Après avoir, dans une précédente série, exploré de près le corps féminin, AJ, cette fois, dans cette exposition déjà présentée au musée de la photographie de Charleroi, s’immerge dans la nature. Etre sur le motif comme disaient les peintres, en situation de solitude presque tragique, de peur panique (ce qui n’est pas un pléonasme !) provoque assurément le glissement du lieu au lien. La vision débouche sur la réflexion, l’espace cadré par l’oeil du photographe maître de son objectif peut aisément dériver sur les liens. Et sur nos temps passés ou présents. Comme la nature, notre vie n’est-elle pas ombre et lumière, foisonnement et éclaircie, fenêtres fermées ou ouvertes, pensées claires ou contorsions. Chaque visiteur aura sa lecture, s’il peut dépasser la seule beauté plastique de ces superbes photographies souvent accouplées en diptyques ou assorties d’un élément naturel (pierre, plume, feuille). Il aura donc aimé les nuances des noirs, les oppositions du jour et de la nuit, du plein et du vide, du net et du flou, du gros plan et des impressions fuyantes... Ce ne serait que beau, ce ne serait déjà pas peu. A la beauté intrinsèque des images, AJ ajoute la sensibilité de la symbolique qui transparaît dans ces écheveaux de signes, de traces naturalistes. AJ ou quand la photo va bien au-delà de la photo.
Jacques Parisse
"La dernière heure" 29/11/91