C’est une très belle histoire d’amitié entre une « gare blanche » et un photographe de talent. Huit ans de complicité. Plus de 200 visites sur chantier. Près de 9.000 photos emmagasinées. Et, au bout d’un compte, un livre, superbe, sobrement intitulé Liège-Guillemins, la gare blanche signé Alain Janssens (photo) et Caroline Lamarche (texte). En 180 clichés, cet ouvrage co-édité par Mardaga et Eurogare retrace, avec force et finesse, l’odyssée un peu folle d’un chantier pharaonique.
Le maître d’oeuvre du chantier Euro Liège TGV souhaitait mener un travail de fond sur la durée et j’ai eu carte blanche ». Le photographe liégeois à la carrière d’auteur déjà bien fournie s’est littéralement fondu dans ce paysage industriel tellement particulier.« Je m’y rendais tous les 15 jours environ. J’étais là-bas comme chez moi. Avec, à la clé, de très belles complicités avec tous ces travailleurs de l’ombre qui ont véritablement bâti à bout de bras l’édifice ».
Ce livre est à la fois un travail documentaire et une oeuvre poétique. Il joue sur les formats, les rythmes, les lumières. De nuit comme de jour. Sous la pluie, la neige ou le ciel bleu. Dans les gravats ou sous les arches. « J’ai souhaité cette lecture à plusieurs niveaux, une vision ouverte, » explique Alain Janssens.
Ouvriers à l’ouvrage, vues panoramiques, « natures mortes », clichés bruts ou léchés… Ce livre est un itinéraire en soi. On le parcourt « à la manière de l’enfant qui part en voyage avec son petit train sous le bras » sourit l’auteur. Un travail, immense, sur les matières (l’acier, le béton, le verre…) et un hommage, vibrant, aux bâtisseurs de cette « cathédrale ferroviaire » : « Pendant 8 ans, j’ai vraiment vu cette gare sortir de terre. Tant d’énergies, de vibrations partagées ! ».
Une véritable œuvre collective, du gros œuvre aux finitions, des barres à béton au moindre boulon serré à la main, et un ballet de corps de métier superbement mis en image.
Aujourd’hui, Alain Janssens a pris du recul par rapport à cet ouvrage d’art qu’il a accompagné pendant 8 ans : « C’est un objet fini, certes toujours en mouvement, mais différemment. Est-il disproportionné ? A-t-il coûté trop cher ? Je ne le crois pas. Cette gare a permis de faire travailler des centaines de personne. Par les temps qui courent, c’est précieux. Et, désormais, la gare appartient à tout le monde. »
« La gare blanche » est une trace précieuse. Et le très beau texte de Caroline Lamarche, à la fois littéraire et documenté, est parfaitement complémentaire avec le travail photographique. On s’y perd et on se souvient. On s’étonne et on s’emballe. Tant de labeur et de performances, de beautés cachées et d’étapes oubliées. « La gare blanche », qu’on l’aime ou pas, renaît grâce à l’œil bienveillant et contemplatif d’Alain Janssens.